Paul Renouard fut un artiste profondément original, dont le style est à l’opposé du « Grand genre », des vastes compositions conventionnelles et académiques qui tiennent une si large place dans l’art officiel de la fin du XIXe siècle.
Il aimait passionnément la vie sous toutes ses formes, le mouvement rapide, l’expression fugitive… L’esprit toujours en éveil, il fut un observateur très attentif et scrupuleux de la réalité quotidienne. Il scutait avec une égale acuité les hommes, les animaux, les foules, cherchant à saisir la vérité profonde des êtres, et montrant d’emblée une compréhension étonnante de la psychologie de ses modèles.
Par là-même, Renouard fut un parfait témoin de son temps. Il illustra l’actualité politique, les grands procès de l’époque (l’Affaire Dreyfus, l’affaire Thérèse Humbert), les fêtes officielles (fêtes franco-russes et fêtes du centenaire de La Fayette), les scènes de la vie quotidienne, en France et en Angleterre…Dans la rue, dans une réunion publique, au spectacle, à une réunion cérémonie, sa curiosité était sans cesse en éveil et se traduisait par de nombreux croquis pris sur le vif, point de départ de compositions élaborées.
L’immense talent de Renouard réside dans sa manière rapide, concise et synthétique, de capter le mouvement et en retenant l’essentiel; son graphisme épuré de tout superflu résume le maximum d’éléments descriptifs en des raccourcis saisissants. Ses dessins acquières par là-même une intensité de vie prodigieuse.
Ces notations rapides, vibrantes de sensibilités, contiennent souvent une pointe d’humour, d’un humour qui peut atteindre parfois la satire virulente mais en se distinguant toujours du ton acerbe, mordant, des gravures de Daumier.
Sans doute, Renouard pratiqua-t-il aussi la peinture… Mais sa gloire lui vient surtout de son talent de dessinateur, de sa vision à la fois condensée et puissante, de sa manière admirable d’utiliser les blancs et les noirs, toutes qualités qui en font l’un des meilleurs dessinateurs de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle, aux côtés de Steinlen par exemple.
Martine Tissier de Mallerais
Conservateur du Château et des Musées de Blois