Le peintre, dessinateur, graveur et illustrateur Charles Paul Renouard (1845-1924) est engagé à partir de janvier 1902 à l’École des arts décoratifs pour un cours de «croquis d’après modèle vivant et en mouvement». À cette époque, après avoir travaillé pour la presse illustrée française et anglaise de large diffusion, et avoir couvert des procès célèbres, Renouard est considéré comme un véritable chroniqueur de la vie moderne. Autodidacte, il réalise à ses débuts des fresques décoratives pour l’opéra Garnier aux côtés de son maître Pils, mais se tourne bien vite vers les milieux parisiens artistiques ou marginaux qu’il croque dans un style rapide et très expressif. C’est en étudiant les estampes japonaises qu’il avait appris ce que l’on appellera plus tard la «sténographie de peintre».
En 1905, l’album d’esquisses et de croquis animaliers intitulé Mouvements, gestes, expressions, vaut à son talent, fondé sur l’observation, l’exercice de la mémoire et la rapidité d’un trait évocateur, une consécration officielle. L’engagement de Renouard par Louvrier de Lajolais amorce la remise en question de la méthode Guillaume, que son directeur avait pourtant été l’un des premiers à soutenir dès le Congrès des arts du dessin en 1869 et à l’époque de l’adoption de la réforme en 1879. Gaston Quénioux, ancien élève devenu inspecteur de l’enseignement du dessin, émet en effet les critiques les plus dures à l’égard d’une discipline qui a perdu, selon lui, tout lien avec la créativité, rendue stérile par la géométrie et le trait académique, et dont les modèles restent la statuaire classique et les compositions abstraites de solides.
Seul contrepoison préconisé contre un tel dessèchement, la technique du «croquis rapide» dans laquelle Renouard est passé maître. Ainsi l’École, en offrant une place de professeur au célèbre illustrateur, devance la réforme de l’enseignement du dessin de 1909, qui accordera de nouveau une place importante à la couleur et aux croquis spontanés réalisés à partir d’objets quotidiens ou de figures vivantes et en mouvement.
Extrait de L’École à la recherche d’une identité entre art et industrie (1877-1914)