Baron-Renouard ne peut ignorer que rien ne naît de rien. Il connaît l’étendue de la dette contractée par l’art contemporain vis-à-vis des peintres impressionnistes, des Fauves et des Cubistes. Claude Monet lui révèle la lumière qui pulvérise les formes et résorbe les motifs, comme si elle seule était réalité. Matisse lui enseigne qu’une œuvre d’art doit porter en elle- même sa signification et s’imposer au spectateur-médium avant même qu’il en comprenne le thème. Il sait que son essence réside dans les lignes et dans le coloris et que le titre d’une toile ne fera que confirmer cette sensation première. Georges Braque et Picasso, Jean Metzinger et Gleizes ont mis à sa disposition un alphabet plastique qui le détermine à détruire les objets, ou du moins les apparences des choses, et à modeler l’espace comme une matière ductile. Mais ses directeurs de conscience artistique et ses initiateurs n’ont pas façonné sa personnalité. L’écriture de Baron-Renouard n’est pas directement tributaire du passé. C’est une authentique écriture de la vie qui permet à l’artiste d’enregistrer ses réactions visuelles devant le monde physique et de nous les transmettre.
Comme la plupart des peintres d’éducation et d’extraction française, Baron-Renouard reste intimement lié à son environnement. Ses notes d’après nature attestent toutes son esprit d’attention. On suit aisément la lente métamorphose ou la décantation de ces dessins purement documentaires dont les données s’emmêlent et se dissolvent dans un réseau de lignes enchevêtrées. Evoquerons-nous ici les procédés du cinématographe: la surimpression, le fondu – enchaîné et le montage rapide ? De telles analogies sont sujettes à caution. Il serait plus opportun de faire état d’une perception lyrique qui s’oppose foncièrement à celle du prosateur. Le propos de Baron-Renouard n’est point de créer une parfaite illusion de la réalité. Ses tableaux ne sont jamais des doubles. Ses rapports pittoresques avec le milieu naturel qui l’entoure ne sont ni moins subtils, ni moins ambigus que ceux que Mallarmé entretenait avec la langue parlée et la vie quotidienne. Les paysages qu’il peint et interprète avec une liberté bien plus feinte que réelle sont de légères constructions linéaires d’une couleur flamboyante et d’une clarté diaphane.
Ce sont des accords, des phrases ou bien des strophes de tons pigmentaires francs, à dominantes de bleus, de rouges ou de gris. Un œil exercé discernera dans la trame aux mailles imperceptibles de ces toiles d’Arachné les contours d’une calanque, les profils déchiquetés d’une colline, les cordages et les mâts d’un voilier qui se détache sur un vaste désert d’eau. Puis ces images s’effacent. Seuls subsistent les rythmes mixtes des valeurs chromatiques et graphiques. Seule demeure l’impression d’allégresse que dispensent des œuvres qui se situent à la limite exacte de la fiction et de la vérité. Mais leur auteur ne remue pas des cendres. Baron-Renouard, ce promeneur doté d’un œil de lynx, ne semble s’attacher qu’à ce qu’il éprouve et sent avec intensité.
Note et références :
Objet : Article de presse
Auteur : Waldemar-George, critique d’art
Support : Prisme des Arts
Date : 1959